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de la science antique qui lui donna un nouvel élan. Quelle part revient au juste dans l’œuvre des premiers algébristes à chacune de ces influences ?

Pour répondre à cette question, il convient d’en bien préciser le sens. Ce qui nous préoccupe, ce n’est pas de déterminer l’origine de telle ou telle notion ou démonstration particulière. C’est dans son ensemble que nous envisageons l’algèbre. Or d’où est venue l’inspiration créatrice, la conception originale, qui a donné naissance à la nouvelle science ? Peut-être pourrons-nous plus facilement nous en rendre compte, si, au préalable, nous cherchons à bien mettre en évidence, indépendamment de toute discussion historique, les caractères propres, les traits distinctifs, des théories algébriques.


L’algèbre se présente à nous comme une technique ayant pour objet le calcul et qui se flatte de nous procurer plusieurs avantages précieux. Grâce à la simplicité et à la fixité de ses procédés, elle prétend, en effet, opérer rapidement, sûrement, mécaniquement, pertinemment.

En premier lieu, l’Algèbre sera rapide. Elle se servira donc d’abréviations dans le langage et dans l’écriture. C’est ainsi que déjà Diophante d’Alexandrie employait des signes abrégés pour désigner les puissances, et que certains géomètres grecs représentaient par des lettres les grandeurs[1] ou nombres qui reviennent plusieurs fois dans un même calcul. Quant aux opérations — effectuées ou à effectuer — elles seront indiquées par des signes conventionnels (signes opératoires) : tels les

  1. Les Grecs faisaient usage de ce langage abrégé dans les démonstrations géométriques du type euclidien. Il fut introduit plus tard dans le calcul proprement dit (cf. notamment, Jordanus de Nemore, au xiiie siècle).