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Page:Boutroux - Les principes de l’analyse mathématique.djvu/16

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le point leur apparaissant comme l’objet le plus simple qui pût servir à figurer l’unité[1].

Mais, derrière ces points assemblés, que de choses ne voyaient pas les Pythagoriciens ? On sait qu’ils attribuaient une signification mystique aux oppositions que nous révèle l’Arithmétique : un et multiple, pair et impair, carré et hétéromèque[2] Pour eux, les nombres sont des êtres, doués de qualités et presque de sentiments. Il y a des nombres parfaits : ce sont ceux qui sont égaux à la somme de leurs diviseurs (ou partie aliquotes, vide no 28) ; ainsi Il y a des nombres amis[3] (ou amiable φίλος ἄριθμοί) : ce sont les couples de nombres dont chacun égale la somme des diviseurs de l’autre ; ainsi, et puisque et ............... Mais, la merveille des merveilles, c’est le nombre dix. « Dix[4] — écrivait Speusippe, neveu et disciple de Platon, — dix est parfait, et c’est à juste titre, et conformément à la nature, que les Hellènes se sont, sans préméditation aucune, rencontrés avec tous les hommes de tous les pays, pour compter suivant ce nombre ; aussi possède-t-il plusieurs propriétés qui conviennent à une telle perfection ». En effet, le nombre dix renferme autant de nombre pairs que de nombres impairs (cinq), il renferme autant de nom-

    ces termes : οὕτε δὲ ἡ μονάς ἀριθμός ἀλλὰ ἀρχή ἀριθμοῦ. Dans l’Arithmétique de Simon Stevin, par contre, en 1585, nous trouvons une longue discussion logique ayant pour objet d’établir : Que l’unité est un nombre (p. 1-21. — Cf. La Logique de Port-Royal, 162, IVe part., chap. v.

  1. Euclide représentait les nombres par des longueurs et déduisait leurs propriétés de celles des figures géométriques. L’Arithmétique apparaît ainsi, dans son traité, comme une suite de la Géométrie. Ce mode d’exposition, — en ce qui concerne, du moins, les nombres cardinaux, — ne paraît pas être conforme à la tradition pythagoricienne et platonicienne.
  2. Un nombre est carré s’il existe un nombre tel que un nombre est hétéromèque s’il existe un nombre tel que Nous verrons plus loin (13 et 14) que égale la somme des premiers nombres impairs, tandis que est la somme des premiers nombres pairs.
  3. Ces nombres étaient connus des Néo-Pythagoriciens, sinon de Pythagore lui-même.
  4. Cité, d’après les Théologoumènes de Jamblique, par Paul Tannery : Pour l’histoire de la Science Hellène, p. 386.