Page:Boutroux - Pascal.djvu/142

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neuvième Provinciale. « Consolez-vous, mon Père, dit-il au P. Annat, ceux que vous haïssez sont affligés. » Mais, soit qu’il fût rassuré par l’opposition énergique qui se manifesta contre cette mesure, même chez beaucoup d’évêques, soit qu’il craignît d’exaspérer, en les confondant de plus en plus, la violence des ennemis de Port-Royal, il renonça à la lutte. Les Provinciales se terminent au milieu d’une phrase.

Le succès qu’elles avaient eu dès le début ne fit que s’accroître. La traduction latine que Nicole en publia en 1658 trouva plus de faveur encore que le texte même, et les rendit populaires dans toute l’Europe. La conscience publique fut avec Pascal. Mais Rome condamna l’ouvrage comme hérétique. Les évêques et la Sorbonne, sous la pression du gouvernement, le condamnèrent, eux aussi ; et un arrêt du Conseil d’État, du 23 septembre 1660, porta que le livre intitulé Ludovici Montaltii Litteræ Provinciales serait lacéré et brûlé par les mains de l’exécuteur de la haute justice.

Pascal ne s’émut pas de ces condamnations. Si mes Lettres sont condamnées à Rome, ce que j’y condamne est condamné dans le ciel, écrit-il dans ses notes. Et il ajoute : Ad tuum, Domine Jesu, tribunal appello. Un an avant sa mort, comme on lui demandait s’il se repentait d’avoir fait les Provinciales : « Je réponds, dit-il, que loin de m’en repentir, si j’étais à les faire, je les ferais encore plus fortes. »