Page:Boutroux - Pascal.djvu/82

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Mais peut-être tous les efforts que je pourrai faire seront-ils vains ? Ne m’a-t-on pas appris, n’éprouvé-je pas en moi-même que je ne peux rien pour ma conversion, si Dieu ne l’opère ? Certes ; et je ne puis songer à forcer, par mes actes propres, moi créature finie et déchue, l’intervention du Dieu infini et très saint. Mais il ne m’appartient pas de raisonner sur les intentions de Dieu. J’ignore ses voies. Je ne sais qu’une chose, c’est que c’est à moi de commencer, et que le commencement consiste à quitter les plaisirs et à prier.

Telle fut la méthode que se traça Pascal : il la suivit avec un zèle croissant. Il combattit en lui-même, de cette manière, les impulsions de la nature rebelle, particulièrement la confiance en soi, le désir d’être dans l’estime et la mémoire des hommes, en un mot l’orgueil, cette concupiscence, la plus trompeuse et la plus redoutable de toutes, parce qu’elle se nourrit des victoires que nous remportons sur toutes les autres, et qu’elle vit encore, au moment où nous triomphons de l’avoir surmontée. Lutte riche en souffrances, mais en souffrances actives et fécondes. Ce n’était plus l’angoisse de l’abandon et de l’impuissance, c’était l’impression de la nature qui résistait. Or, si elle résistait, c’est qu’elle était attaquée par la grâce ; si elle saignait, c’est que la grâce était la plus forte. Pascal mesurait désormais ses progrès à ses souffrances. Et celles-ci, peu à peu, étaient à ce point mêlées de consolations qu’elles devenaient presque des joies.

Ainsi l’espoir de Pascal n’avait pas été trompé. L’effort qu’il avait fait pour créer en lui, par