Aller au contenu

Page:Bouvier - Les Mystères du confessionnal, 1875.djvu/103

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

devoir conjugal pendant le temps de la grossesse, pourvu qu’il n’y ait pas danger d’avortement ; c’est l’opinion très ordinaire des théologiens, et c’est la conséquence de ce que nous avons dit au sujet de la demande du devoir ayant pour but d’éviter l’incontinence. Comme le fœtus humain se trouve tellement enveloppé dans la matrice que la semence de l’homme ne peut le toucher, on ne peut pas facilement présumer le danger d’avortement, et on ne doit pas tracasser les pénitents sur ce point par des interrogations importunes.

Sanchez, l. 9, disp. 22, no  6, et beaucoup de théologiens dont il cite l’autorité, enseignent qu’il n’y a même pas de péché véniel à demander le devoir pendant le temps de la grossesse, car autrement on devrait s’abstenir presque toujours de l’acte conjugal, et le mariage institué comme remède à la concupiscence serait plutôt propre à enflammer qu’à calmer les passions, et ne serait qu’un véritable piége. Cependant, St Ligori, l. 6, no  924, avec beaucoup d’autres, ont limité cette faculté au seul cas où il y a danger d’incontinence.

D’autres théologiens, en assez grand nombre, pensent que, même dans ce cas, la demande du devoir n’est pas exempte de péché véniel ; car, disent-ils, l’acte conjugal, quoique pratiqué pour éviter l’incontinence, est dépourvu de son but légitime : c’est l’opinion des pères et des Docteurs cités plus haut.

Quant à nous, nous ne tenterons pas de trancher le différend. Et, nous apitoyant sur le sort des personnes mariées, nous nous contenterons de dire qu’il faut les laisser dans leur bonne foi et ne pas les détourner de leurs habitudes, de crainte qu’ils ne retombent dans des fautes plus graves.

III. St Charles conseille aux personnes mariées de s’abstenir, d’un consentement mutuel, de l’acte conjugal, les jours de fêtes solennelles, les jours de dimanche, les jours de jeûne et les jours où ils ont reçu ou doivent recevoir la sainte Eucharistie : c’est conforme aux statuts de plusieurs rituels et, en particulier, de celui du Mans, p. 140. Plusieurs théologiens, cités par Sanchez et St Ligori, pensent que la demande du devoir pendant les jours dont nous venons de parler, et principalement celui où on doit recevoir la sainte Eucharistie, n’est pas exempte de péché mortel, à moins qu’elle ne soit excusée par des motifs raisonnables comme une tentation grave ; car le plaisir charnel distrait notablement l’âme des choses spirituelles dont on doit s’occuper dans ces jours-là. Cependant Benoît XIV, dans le synode diocésain, l. 5, chap. 1, no  8, dit que c’est seulement à titre de conseil, quoique autrefois l’Église l’eût prescrit sous les peines les plus graves.

Tous les théologiens disent avec St François de Sales, — introduction à la vie dévote, 2e partie, chap. 20, que la femme qui, le jour où elle a reçu ou doit recevoir la sainte Eucharistie, rend le devoir que demande son mari, ne commet pas de péché ; bien plus, qu’elle est tenue de le rendre si son époux ne veut pas céder à ses prières.

À cette occasion, les théologiens se demandent si celui qui a éprouvé la pollution pendant le sommeil peut recevoir la sainte Eucharistie. Ils répondent avec saint Grégoire le Grand, dans sa lettre au sublime Augustin, apôtre de la Grande-Bretagne, rapportée dans le Décret, part. 1re, dist. 6, chap. 1, en faisant la distinction suivante : Ou cette pollution provient d’un excès de force ou de la faiblesse, et, dans ce cas, il n’y a pas le moindre péché ; ou bien elle provient de certains excès dans l’usage des aliments, et c’est alors un péché véniel ; elle peut encore être le résultat des pensées qui l’ont précédée