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Page:Bouvier - Les Mystères du confessionnal, 1875.djvu/127

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LE CONFESSIONNAL ORDINAIRE
ET
LE CONFESSIONNAL PARTICULIÈREMENT SECRET


L’église est le théâtre où se jouent les drames et les farces catholiques ; il y a du sang et des rires dans les cérémonies religieuses, l’horrible s’y allie au grotesque ; le brûlement des hérétiques s’y marie avec la bénédiction des ânes et des mulets.

L’homme noir se pose, à l’autel, comme le représentant de Dieu. La foule est à ses pieds, agenouillée, le front contre terre ; il est debout, dans tout l’orgueil du triomphe, il étend le bras, bénit les gens simples et crédules, les ouailles, les ignorants, les dévotes, les fanatiques, les victimes de l’exploitation cléricale. Le clergé catholique excelle dans la mise en scène, dans les fantasmagories religieuses ; des milliers de cierges jettent des flots de lumière autour de l’immense basilique, des nuages de fumée se dégagent des encensoirs agités par les jeunes lévites, l’orgue fait entendre ses gémissements puissants et harmonieux. Le prêtre, l’homme-dieu apparaît alors à la foule émue et frémissante, l’idole est revêtue de somptueux ornements, elle pénètre dans le sanctuaire, monte les degrés du maître-autel et domine l’assistance. Le prêtre officiant s’est transfiguré ; pour les vrais croyants, pour les femmes catholiques, ce n’est plus un homme, c’est Dieu.

Bientôt, cet être immatériel, ce Jéhovah descendra des hauteurs où il était apparu à la foule de ses adorateurs, de ses dévotes, et il se dirigera vers une des chapelles où se trouve le réduit mystérieux qu’on appelle le confessionnal, pour y recevoir les aveux des belles pénitentes. Le Dieu se fait agneau, il se prête aux doux épanchements à ces heures de la dernière partie du jour favorables aux orages du cœur, aux agitations des sens, surtout aux époques où le soleil darde ses rayons plus chauds dans nos contrées d’Europe. Tout semble convier le prêtre et la pécheresse aux confidences amoureuses. Le temple est rentré dans le calme, une demi-clarté a succédé aux flots de lumière et ne projette plus dans les chapelles que des ombres vaporeuses ; seule la grande rosace du portail flamboie au soleil couchant. Le confessionnal est placé au fond des sanctuaires, aux recoins obscures où l’œil a peine à distinguer pénitentes et confesseur. La guérite sacrée est divisée en deux ou trois compartiments séparés par une légère cloison ; dans le compartiment du milieu siége le prêtre, c’est là qu’il interroge, juge, bénit, absout ou condamne. Au-dessus de la porte une inscription en lettres capitales, le nom du satyre : le révérend père K… — carme, dominicain ou capucin — ou Mr le chanoine N…, ou le révérend père P… — jésuite, ou Mr l’abbé Q… ou Mr le curé X…

Chaque église, dans nos grandes villes, tient en réserve pour les dévotes hystériques une variété de boucs sacrés ; il y en a de toute couleur et pour tous les goûts, depuis l’abbé pimpant, frisé et musqué, jusqu’au capucín sale et puant. À droite et à gauche du compère en soutane ou en froc, deux loges où les pénitentes langoureuses vont se placer, s’agenouiller, ayant à hauteur du visage une ouverture de 30 à 40 centimètres garnie d’un treillis ; parfois ce treillis est mobile et s’ouvre du côté du prêtre ; nul obstacle aux baisers, aux attouchements entre confesseurs et pénitentes ; parfois aussi la cloison entière est disposée de manière à glisser sur des gonds discrets, ce qui permet les conjonctions impures ; tous les actes peuvent alors être consommés avec filles ou garçonnets. Le prêtre peut en effet se clore hermétiquement dans son armoire et s’isoler du pénitent qui est agenouillé dans le compartiment voisin, grâce à un petit volet qu’il pousse sur le treillis et qu’il ferme au verrou ; la porte du milieu est en bois plein ou à claire-voie, mais garnie de rideaux ; l’intérieur reste impénétrable aux regards profanes. Dans certaines églises les curés ont la précaution d’envelopper avec des rideaux les compartiments destinés aux fidèles ; tout y est savamment combiné pour le mystère. C’est là, dans cet antre, dans cette armoire à secrets, que le confesseur et une femme ou une belle jeune fille vont causer ensemble, si rapprochés l’un de l’autre que leur souffle se confond, qu’ils peuvent compter les battements de leurs cœurs : c’est là qu’ils vont parler de l’amour divin et de l’amour humain, et s’étendre complaisamment sur des sujets que des époux, dans la plus grande intimité, n’oseraient pas aborder ; c’est là qu’ils vont discuter, commenter et développer le texte du sixième commandement !… Luxurieux point ne seras, de corps ni de consentement.

Il existe encore dans les églises un autre confessionnal, désigné sous le nom de confessionnal particulièrement secret ; il est à deux compartiments, un pour le tonsuré, l’autre pour le pénitent. Cette armoire est destinée aux personnes atteintes de surdité ; on la relègue, d’ordinaire, au fond de la sacristie ou dans une pièce isolée. Les paroles échangées entre le prêtre et son client, devant être prononcées à haute voix, nul témoin ne peut assister à la confession. Le curé tire le verrou à l’intérieur de la sacristie ou de la chambre réservée, et demeure seul avec son pénitent ou sa pénitente. C’est là qu’il attire sous un prétexte quelconque les femmes et les filles, même les jolis garçons, dont il veut user et abuser.

Voilà le confessionnal, le meuble, l’outil, l’instrument à l’aide duquel s’accomplissent doux péchés d’amour, délits contre la morale, captations d’héritages, viols et stupres, crimes et forfaits.

C’est là que fonctionne la noire araignée, tissant, tramant, aux aguets, attendant la proie, pour l’étreindre, la sucer, la dévorer.

Pères, maris, veillez sur vos femmes, sur vos filles ! Séduire, corrompre, c’est la mission du confesseur ; flétrir les âmes, polluer les corps, c’est le rôle des curés. Tout prêtre est un bourreau patenté par la foi.