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Page:Bouvier - Les Mystères du confessionnal, 1875.djvu/154

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LE CONFESSIONNAL, FLÉAU DU PRÊTRE CHASTE
RARA AVIS !
OISEAU RARE, TRÈS-RARE DANS NOS CAMPAGNES ET INCONNU DANS LES VILLES


« On est toujours puni par où l’on a péché, » dit le proverbe des nations. Le prêtre trouve son châtiment dans ce confessionnal même où il exerce une autorité si pernicieuse pour le monde catholique ; il en est la première victime.

Quelle est son attitude au tribunal de la pénitence ? Celle d’un misérable cloué sur place, contraint d’entendre le récit des joies et des félicités des autres sans qu’il lui soit permis d’en prendre sa part, — du moins ouvertement.

Le prêtre est le paria de la société ; c’est Priape remplissant les fonctions de l’eunuque dans le harem du Sultan et gardant les odalisques avec lesquelles il ne peut forniquer. Le rôle de l’eunuque est de vivre au milieu des femmes du harem ; il peut les contempler nues, frémissantes dans les bras du maître, ou se livrant entre elles à des jeux lascifs ou échangeant des caresses passionnées ; l’eunuque est privé des attributs de la virilité, et son impuissance rend le supplice qu’il endure à peu près supportable ; mais, supposez à sa place le dieu Priape avec son phallus, en état d’érection perpétuelle, comme le représente la Mythologie, et vous comprendrez la violence des tortures qui lui seraient infligées. Le martyre du prêtre catholique, du confesseur, est absolument du même genre ; une existence plantureuse et oisive le prédispose aux actes vénériens, aux doux combats de l’Amour, et il doit s’en abstenir ; nous voulons parler du prêtre chaste, rara avis, oiseau rare qui ne se trouve guère dans nos campagnes et encore moins dans les villes.

Le jeune prêtre a étudié et commenté l’œuvre étrange de Monseigneur Bouvier ; il est tout ému des révélations du Manuel des Confesseurs ; son imagination fortement échauffée peuple ses nuits et ses jours de fantômes charmants ; il est dans l’effervescence de l’âge et des passions, doué d’un tempérament ardent ; il s’efforce inutilement de repousser les pensées lubriques qui l’assiégent ; la nature est plus forte que sa volonté, il se trouve dans un état d’éréthisme presque continuel. Et c’est dans de semblables dispositions, que ce martyr du célibat va entendre au confessionnal une belle jeune fille qui aura à lui raconter ses rêves d’amour, ou une jeune femme qui lui dévoilera les mystères de la couche nuptiale, ou quelque matrone qui aura à s’expliquer dans une confession générale sur toute espèce de lubricités. Aussi ne doit-on pas s’étonner que, pendant tout le temps que demeurent agenouillées aux pieds du prêtre ces belles pénitentes, son engin se maintienne rigide… la brute est en rut… Pères et maris imprudents, écoutez la sentinelle vigilante : Prenez garde à vous !

Paul Louis Courrier, le vigneron philosophe, a tracé en quelques lignes éloquentes le tableau de cette triste condition à laquelle sont réduits les prêtres par le vœu imprudent de célibat qu’ils ont fait et par la loi de l’Église.

« Quelle vie, quelle condition que celle de nos prêtres ! on leur défend l’amour, et le mariage surtout ; on leur livre les femmes. Ils n’en peuvent avoir une et vivent avec toutes familièrement ; c’est peu ; mais dans la confidence, l’intimité, le secret de leurs actions cachées, de toutes leurs pensées. L’innocente fillette, sous l’aile de sa mère, entend le prêtre d’abord, qui bientôt l’appelant, l’entretient seul à seule ; qui, le premier, avant qu’elle puisse faillir, lui nomme le péché. Instruite, il la marie ; mariée, la confesse encore et la gouverne. Dans ses affections il précède l’époux, et s’y maintient toujours. Ce qu’elle n’oserait confier à sa mère, avouer à son mari, lui prêtre le doit savoir, le demande, le sait, et ne sera point son amant. En effet, le moyen ? N’est-il pas tonsuré ? Il s’entend déclarer à l’oreille, tout bas, par une jeune femme, ses fautes, ses passions, ses désirs, ses faiblesses, recueille ses soupirs sans se sentir ému, et il a vingt-cinq ans.

« Confesser une femme ! imaginez ce que c’est. Tout au fond de l’église, une espèce d’armoire, de guérite, est dressée contre le mur exprès, où ce prêtre, non Maingrat, le prêtre meurtrier, mais quelque homme de bien, je le veux, sage, pieux, comme il n’en existe guère, homme pourtant et jeune — ils le sont presque tous, — attend le soir après vêpres sa jeune pénitente qu’il aime ; elle le sait l’amour ne se cache point à la personne aimée. Vous m’arrêterez là : son caractère de prêtre, son éducation, son vœu…… Je vous réponds qu’il n’y a vœu qui tienne ; que tout curé de village, sortant du séminaire, sain, robuste et dispos, aime sans aucun doute une de ses paroissiennes. Cela ne peut être autrement ; et si vous contestez, je vous dirai bien plus, c’est qu’il les aime toutes, celles du moins de son âge ; mais il en préfère une, qui lui semble, sinon plus belle que les autres, plus modeste et plus sage, et qu’il épouserait ; il en ferait une femme vertueuse, pieuse, n’était le pape. Il la voit chaque jour, la rencontre à l’église ou ailleurs, et, devant elle assis aux veillées de l’hiver, il s’abreuve, imprudent ! du poison de ses yeux.

« Or, je vous prie, celle-là, lorsqu’il l’entend venir le lendemain, approcher de ce confessionnal, qu’il reconnaît ses pas et qu’il peut dire : C’est elle ; que se passe-t-il dans l’âme du pauvre confesseur ? Honnêteté, devoir, sages résolutions, ici servent de peu, sans une grâce du ciel toute particulière. Je le suppose un saint ; ne pouvant fuir, il gémit apparemment, soupire, se recommande à Dieu ; mais si ce n’est qu’un homme, il frémit, il désire, et déjà malgré lui, sans le savoir peut-être, il espère. Elle arrive, se met à ses genoux, à genoux devant lui, dont le cœur saute et palpite. Vous êtes jeune, ou vous