Aller au contenu

Page:Bouvier - Les Mystères du confessionnal, 1875.djvu/44

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de le dénoncer comme il dénoncerait un voleur ou un maraudeur, afin de rendre service à son prochain. L’obligation de dénoncer un prêtre dépravé ne rend pas la confession plus odieuse que l’obligation de dénoncer les voleurs et les maraudeurs.

3e Objection : Je nie l’antécédent. La révélation peut, en effet, être faite avec tant de prudence que le complice ne soit pas connu. C’est ordinairement ainsi qu’elle doit être faite : Si le pénitent sait écrire, il doit mettre, sur une feuille de papier, le nom seulement de celui qu’il dénonce et remettre le papier soigneusement cacheté à son confesseur ; celui-ci le transmet à l’évêque ou au vicaire général avec une lettre dans laquelle il expose le fait et donne son opinion sur la sincérité de la personne qui a fait la dénonce ; il doit avoir bien soin de ne pas faire connaître cette dernière au supérieur et lui-même ne doit pas s’enquérir du nom du prêtre corrompu.

Mais, si la personne qui a l’intention de faire la dénonce ne sait pas écrire, on doit, après lui avoir remis une lettre attestant sa sincérité, l’engager à se rendre auprès des supérieurs et à leur découvrir la vérité, sans se faire connaître, si elle désire rester inconnue.

Lorsqu’elle trouve que cette manière de dénoncer est trop pénible, elle peut désigner le prêtre impudique à son confesseur en le laissant libre de le dénoncer. Il y a encore une autre manière de dénoncer le coupable aux supérieurs : Le complice qui ne sait pas écrire peut, sous un prétexte quelconque, faire écrire le nom d’un tel prêtre en disant, par exemple, que cela lui est demandé par quelqu’un. Alors, il remettra à son confesseur le papier cacheté.

Le coupable, blâmé par son supérieur, reprochera fortement à son complice ou à sa complice de l’avoir dénoncé, mais ce désagrément peut-il être comparé au mal que peut faire un prêtre corrompu ?

4e Objection : Je nie l’antécédent ; il y a beaucoup de personnes que l’on amène à révéler les turpitudes d’un prêtre par les raisons qu’on leur fait valoir, par les prières et les exhortations, et en leur faisant entrevoir l’intérêt de la religion et le salut des âmes. D’ailleurs, si l’objection présentée avait quelque valeur, il s’ensuivrait que tant de pontifes qui ont ordonné de faire cette dénonciation ont été insensés.

Aussi, le confesseur bien pénétré des devoirs que lui impose sa charge, doit-il, dans ces cas déplorables, faire tous ses efforts pour amener prudemment la dénonciation en suspendant, ou même en refusant l’absolution. Si cependant il se rencontre un pénitent qui ne se laisse persuader, par aucune raison, qu’il est tenu de faire la dénonce, nous pensons qu’il faut finalement l’absoudre, lorsqu’on juge prudemment qu’il est dans la bonne foi : car si, dans ce cas, on n’absolvait pas le pénitent, on le priverait des sacrements et on n’obtiendrait pas la dénonciation du corrupteur. Il est donc beaucoup plus prudent que le confesseur, tout en engageant fortement le pénitent à faire la dénonce, ne lui dise pas qu’il y est tenu sous peine de péché mortel.

Sont dans la même obligation de faire connaître un prêtre corrompu, les femmes et les jeunes gens qu’il aurait excités à la débauche, ainsi que tous ceux qui auraient eu connaissance de pareilles infamies par d’autres voies que par celle de la confession.

Il est certain, par les mêmes raisons, qu’il faut dénoncer un prêtre ou autre clerc qui, par des fautes inconnues de ses supérieurs, causerait ou pourrait causer un grave préjudice à la religion et au salut des âmes.