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Page:Bouvier - Les Mystères du confessionnal, 1875.djvu/43

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Proposition. — Celui qui sait qu’un prêtre ou un clerc commet des actions honteuses ou excite à les commettre, est tenu, par la loi naturelle, de le dénoncer à l’évêque ou au vicaire général.


Preuve. Tous les théologiens enseignent, en traitant de la correction fraternelle, que le crime secret doit être dénoncé, soit dans le but de corriger le coupable, soit dans celui d’éloigner le mal qui menace le public et les particuliers ; ainsi on doit dénoncer, sans avertissement préalable, les hérétiques qui propagent l’erreur, les voleurs, les maraudeurs, les traitres à la patrie, les empoisonneurs, les pharmaciens qui vendent des substances vénéneuses, les faux monnayeurs, les corrupteurs de garçons et de filles, ceux qui trament la mort contre quelqu’un, etc. Or, il est indubitable que la conduite d’un clerc qui s’adonne aux actions honteuses prépare sa ruine et est une source très pernicieuse de déshonneur pour les âmes et pour la religion.

Aussi l’Église, avant l’ordination, annonce-t-elle aux assistants, par la voix du pontife, que si quelqu’un a des griefs contre les ordinands, il doit, de par Dieu et pour Dieu, se montrer et le dire en toute assurance (Pontifical Romain). C’est pour cela que dans plusieurs diocèses les noms des jeunes gens qui doivent être ordonnés sont publiés à la messe, comme les bans de mariage, afin que ceux qui connaissent quelqu’empêchement à l’ordination les révèle. Donc, à plus forte raison, ceux qui savent qu’un prêtre ou un clerc commet des actions honteuses ou excite à la débauche, doivent le faire connaître. Cette doctrine est expressément enseignée par S. Thomas lorsqu’il dit dans la Sent. IV, tit. 19, q. 2, art. 3 : Mais si ce péché déteint sur les autres, il faut le signaler au prélat afin qu’il mette en garde son troupeau.

Pontas, au mot dénoncer, cas 5, enseigne la même doctrine quoiqu’au mot confesseur, cas 17, il ne donne pas la même solution dans un cas identique.

On peut objecter : 1o que les supérieurs ecclésiastiques ne peuvent pas, ordinairement, retirer le ministère sacré à un prêtre ainsi dénoncé ; 2o Qu’une telle dénonciation rend la confession odieuse ; 3o Qu’elle expose les complices au déshonneur et aux reproches ; 4o Qu’il doit tellement répugner à un complice de faire une pareille révélation, qu’il préfère souvent s’éloigner des sacrements de l’Église ; que, par conséquent, il n’est pas prudent de prescrire une pareille dénonciation.

R. À la 1re objection : Je nie la conséquence ; quoique le prêtre ainsi dénoncé ne puisse pas être aussitôt interdit, en raison des murmures, du scandale et des autres désagréments qui pourraient s’ensuivre, une telle dénonce n’est cependant pas inutile. Les supérieurs étant prévenus surveillent le prêtre ou le font surveiller ; ils le font appeler, le réprimandent, l’exhortent, lui ordonnent de fuir l’occasion du péché et d’éloigner l’objet du scandale. Ils le mettent dans un autre poste, et ne lui donnent pas l’avancement qui lui était destiné. S’il s’endurcit dans sa dépravation, ils prennent de nouveaux renseignements et, enfin, le rejettent ignominieusement du sanctuaire comme une peste.

2e Objection : Je nie l’antécédent ; en effet, celui qui réfléchira attentivement à ce qu’on doit penser, devant Dieu, d’un prêtre corrompu et corrupteur, jugera aussitôt que c’est plutôt un ministre du démon que du Christ, et qu’il est établi pour la ruine des âmes et non pour leur sanctification ; il reconnaîtra facilement qu’il est dans l’obligation naturelle