Page:Bouyer - Claude Lorrain, Laurens.djvu/11

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consulte, on l’admire, on ne s’en sert pas, surtout on ne s’en tient pas là, surtout on n’y revient plus, pas plus qu’on ne revient à l’art d’Esther et de Bérénice. Est-ce tant pis ? est-ce tant mieux ? C’est accompli, donc c’était inévitable… »

Ainsi parlait l’analyste des Maîtres d’autrefois, il y a près de trente ans. Et, sans outrager la délicatesse de Fromentin, nous voudrions faire sentir la légèreté de son arrêt. L’histoire est plus exigeante. Oui, Claude est un paysagiste français, et l’un des premiers, sinon le seul : mais quelle place précise tient-il dans notre école de peinture ? Oserait-on le rattacher à l’école italienne, parce que sa vie et son œuvre ont élu le ciel italien pour cadre ? Il est vrai que, depuis l’annexion de l’Alsace-Lorraine à l’Empire allemand, certains musées d’Italie rangent notre Lorrain dans l’école allemande ! — Et quelle cimaise a-t-il mérité dans cet idéal Musée du Paysage qui n’existe encore que dans le vœu constant de nos rêves ? Que reçoit sa personnalité de la tradition ? Qu’apporte son regard à l’évolution ?

Dédaigné par les Anciens, entrevu par les Primitifs, relégué dans les fonds par les maîtres figuristes de la Renaissance, émancipé soudain par les coloristes de Venise et par les décadents de Bologne, l’art du paysage est redevable au Lorrain de ce rayon que son ancêtre flamand Paul Bril ne soupçonnait guère et que son disciple français Corot prolongera plus tard : avec lui, c’est le jour qui se lève ; sans lui, la palette champêtre restait dénuée