Page:Bouyer - Claude Lorrain, Laurens.djvu/16

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

seule, à peindre uniquement d’après nature, selon l’esthétique toute germanique d’Albert Dürer, son haut ancêtre ; et l’Italien Baldinucci, en méridional, aimera la fable et l’ornement ; à la vérité stricte il doit préférer les belles ordonnances, selon la poétique même du paysage historique où la nature très arrangée sert de cadre à quelque fiction : c’était le goût de son temps ; disert, il parle d’abondance, ore rotundo, comme les anciens : et c’est l’instinct de sa race…

Ces apparences ne sont nullement contredites par la réalité des faits. Peintre-graveur et peintre-écrivain, l’Allemand Joachim de Sandrart n’est pas seulement l’ami de Claude et son portraitiste (un ami loyal qui n’a guère flatté son modèle) : dès 1675, il publiait, à Nuremberg, les deux premiers volumes de sa Teutsche Academie (Académie allemande de peinture, de sculpture et d’architecture), traduite en latin, huit ans plus tard, par Christian Rhodius : notices, accompagnées de portraits gravés, sur les principaux artistes que Sandrart a pratiqués ; des « études d’après nature », dirions-nous, en remarquant l’ancienneté très imprévue de cette méthode de critique d’art ! L’auteur exprime naïvement ses souvenirs de jeunesse, l’heureux temps de son séjour à Rome : né en 1606 à Francfort-sur-le-Mein, seigneur de Stokau, conseiller de Guillaume-Henri prince palatin de Neubourg, élève de Gérard Honthorst et de Gillis Sadeler, l’artiste allemand s’était acheminé par l’Angleterre vers cette Italie bienheureuse où tous aspiraient, même Callot ! Le marquis