Page:Bove - Mes Amis.djvu/105

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Après avoir ôté ma veste, je m’accoudai à la fenêtre. L’air tiède me rappela les soirées de l’été précédent. La lune, pleine de taches d’eau, éclairait le bord d’un nuage.

Puis, je me couchai.

Il fallait que je dormisse, sinon, le matin, j’aurais eu mauvaise mine. Mon visage n’est pas symétrique. Ma mâchoire est plus saillante à gauche. Quand je suis fatigué, cela se remarque davantage.

Pourtant, je ne parvenais pas à fermer les yeux. J’avais beau refaire mon lit à chaque instant, me mettre tout nu à la fenêtre pour avoir froid, je songeais à Nina. Je la voyais devant moi, dans une brume de carte postale, sans jambes, ou bien je cherchais un moyen de la faire venir chez moi sans que la concierge s’en aperçût.

Comme je ne m’endormais toujours pas, je me résolus à revoir, en imagination, tous les événements de ma vie militaire. C’est curieux comme, dans la mémoire, les endroits où l’on a été malheureux deviennent agréables.

De même que je chante rarement les chansons de mon enfance pour ne pas émousser les souvenirs qu’elles m’évoquent, de même je ne songe à ma vie de soldat que lorsque je ne