Page:Bove - Mes Amis.djvu/114

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— Allons donc !

— Je veux mourir.

— Il faut espérer en l’avenir.

J’aime les mots « espérer » et « avenir » dans le silence de mon cerveau, mais dès que je les prononce, il me semble qu’ils perdent leur sens.

Je pensais que le marinier éclaterait de rire. Il ne broncha pas.

— Il faut espérer.

— Non… non…

Je me mis à parler sans arrêt pour le dissuader de mourir.

Il ne m’écouta pas. Le corps droit, la tête baissée, les bras pendants, il avait l’air d’un banquier ruiné.

Heureusement, il paraissait avoir oublié que j’avais eu, moi aussi, l’intention de me tuer. Je me gardai bien de le lui rappeler.

— Partons, dis-je, avec l’espoir de quitter les quais.

— Oui, allons sur la berge.

Tout à l’heure, la pierre du parapet avait glacé mes coudes. Maintenant, le froid gagnait mon corps.

— Sur la berge ? demandai-je.

— Oui… il faut mourir.