Page:Bove - Mes Amis.djvu/115

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— Il fait trop sombre, à présent. Nous reviendrons demain.

— Non, aujourd’hui.

Fuir eût été lâche. Ma conscience me l’aurait reproché toute ma vie. On ne doit pas laisser mourir quelqu’un. Mon devoir était de sauver cet homme. Mais, en restant là, il s’imaginait que je voulais me noyer, et si, au dernier moment, je refusais, il était capable de m’y contraindre. Les mariniers ont l’habitude de tirer des péniches au bout d’un câble. Pour eux, tirer un homme par le bras, doit être très facile.

— Il vaut mieux rentrer, mon ami.

Le désespéré leva la tête. Il portait une tunique de soldat anglais sans boutons. Il les avait sans doute donnés. Sous cette tunique, un chandail au col détendu faisait des bourrelets sur le ventre. À la place d’une dent, il en avait deux. Des poils, que l’on eût pu compter, pointaient hors de ses oreilles. Un litre, avec un bouchon neuf, sortait à demi de l’une de ses poches.

Il me prit par le bras et m’entraîna vers un petit escalier. En baissant les yeux, je vis la berge, entre les marches de fer.

Je descendis lentement, posant les deux