Page:Bove - Mes Amis.djvu/51

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L’empressement du pharmacien, le peu de cas que les curieux faisaient des habits du malheureux et l’intérêt que celui-ci suscitait me parurent anormaux.

Une femme, enveloppée dans un fichu épais, murmura en regardant autour d’elle :

— C’est de la faiblesse.

— Ne poussez pas… ne poussez pas, conseilla un homme âgé.

Une commerçante qui guettait la porte ouverte de sa boutique renseigna le public :

— Tout le monde le connaît dans le quartier. C’est un nain. Les vrais malheureux sont fiers ; ils ne se font pas remarquer. Celui-là n’est pas intéressant : il boit.

C’est alors que mon voisin, à qui je n’avais pas encore prêté attention, observa :

— S’il boit, il a raison.

Cette opinion me plut, mais si j’approuvai, ce fut juste assez pour que cet inconnu le remarquât.

— Voilà où mènent les excès, dit un monsieur qui tenait une paire de gants dont les doigts étaient plats.

— Tant que la révolution n’aura pas balayé la société moderne, il y aura des malheureux, proféra assez bas un vieillard, celui qui