Page:Bove - Mes Amis.djvu/65

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— Viens avec moi, je connais un restaurant à bon marché.

Je le suivis. Quand je marche à côté d’une personne, je la pousse sans le vouloir vers les murs : aussi me surveillai-je. Dès que les trottoirs s’étrécissaient, je descendais sur la chaussée. Comme il bougonnait, je me tournais vers lui à chaque instant, car je m’imaginais qu’il m’adressait la parole : je n’aurais pas voulu qu’il me prît pour un indifférent.

La satisfaction d’avoir retrouvé Billard m’ôtait l’appétit. Bien que je fusse harcelé par l’envie de parler de moi, de mes voisins, de ma vie, aucun mot ne sortait de ma bouche. La timidité me paralysait tout entier, sauf les yeux. Il est vrai que je n’étais pas très lié avec mon compagnon.

Lui aussi avait sans doute mille choses à me conter, mais, comme moi, il n’osait pas. Sous des apparences rudes, c’était un sensible.

— J’ai acheté un camembert. Nous le partagerons. Je dîne en général avec ma femme. Aujourd’hui, elle est absente.

Je le regardai. Le papier de sa cigarette ne brûlait pas.

— Vous êtes donc marié ?

— Non, en ménage seulement.