Page:Bove - Mes Amis.djvu/79

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Ne sachant à quoi employer mon temps, je me dirigeai vers l’hôtel du Cantal. En cours de route, j’eus bien la pensée de faire demi-tour, mais la perspective d’une soirée vide chassa vite cette faible intention.

La rue Gît-le-Cœur sent l’eau croupie et le vin. La Seine coule près de ses bâtisses humides. Les enfants que l’on croise ont des litres à la main. Les passants marchent sur la chaussée : il n’y a pas de voitures à craindre.

Par-ci par-là, une de ces boutiques désertes qui ferment tard, vend des légumes cuits, des purées vertes et des pommes de terre qui fument dans un baquet de zinc.

Il était trop tôt pour aller chez Billard. Je n’aime pas à surprendre les gens, car ils se figurent que l’on cherche à savoir ce qu’ils mangent.

Le pardessus m’engourdissait les épaules. Un point de côté me contraignait à marcher courbé. Quand on s’assoit, le soir, sur un banc, on fait pitié.

J’entrai donc dans un bar de la place Saint-Michel et, comme d’habitude, je commandai un café noir. J’accrochai mon chapeau à un porte-manteau, puis je m’installai dans un coin, en face d’une glace.