Sur une artiste que l’on dit morte
Je ne connais de vous qu’un portrait, à vingt ans.
Un jour — j’étais enfant — on m’a dit : elle est morte !
Depuis lors, combien de printemps
Se sont-ils défleuris, au souffle des autans !
Depuis près de trente ans, moins ou plus et qu’importe
Chacun vous croit dans l’autre monde.
Pourtant votre âme est là ; je la vois, elle inonde
Votre œuvre, cette toile, à mon mur tache blonde.
Quand nous fermons les yeux aux choses d’ici-bas,
Lorsque la chair se glace et que le cœur se fige,
Rythme qui fait que le cœur bat,
dans l’espace éthéré Dieu seul sait où tu vas.
Aux parfums d’une fleur arrachée à sa tige,
au vol frissonnant des oiseaux,
au murmure du vent, à la chanson des eaux,
Te joins-tu pour renaître en des rythmes nouveaux ?
Non, nous ne mourons point quand, vivants, nous vécûmes,
Non, vous ne mourez pas, les vibrantes écumes
des flots qui, sur la grève, ont l’air de s’épuiser.