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VEUVAGE BLANC

ayant mis bon ordre, on peut m’y lâcher en toute sécurité. »

Claude répondait brièvement, mais assez exactement aux longues épîtres hebdomadaires de sa sœur. Après avoir reçu celle-ci, il laissa passer plusieurs courriers. Puis il écrivit, sans faire au mariage de sa cousine aucune allusion. Dans l’intervalle il avait adressé à Louise quelques lignes de banales félicitations.



CHAPITRE XII


Dans cette grande ville industrielle de Reims, la colonie militaire se trouve comme noyée. Elle s’y disperse. Entre les grosses fortunes du champagne et de la laine, elle tient une place moins prépondérante qu’en d’autres garnisons. La venue cependant du nouveau divisionnaire excita un intérêt assez vif. Avant même qu’il eût paru au quartier général, la malignité s’était donné ample carrière. Lorsqu’on les connut, quelque chose dans l’attitude respective de la jeune femme et du vieil époux bientôt intimida les langues.

Tout superficiellement que juge le monde, et dans un esprit d’invariable dénigrement, la sincérité porte en soi une force qui plus ou moins s’impose, encore que l’opinion n’en veuille pas convenir. Ainsi sur leurs lèvres ces appellations, conjugales en somme, « mon ami » et « ma chère enfant » semblaient prendre leur acception littérale, révélant si véritablement un échange d’affection et de paternité, que les goguenardises faisaient long feu. D’aucuns souriaient avec indulgence, d’autres persiflaient, en appelaient à la morale outragée, mais c’était sans conviction