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VEUVAGE BLANC

Son bonheur de ce foyer reconstitué n’était pas égoïste ; il ne méconnaissait point le sacrifice demandé à un cœur de vingt ans. Là était à ses yeux le point d’ombre. Du moins sa reconnaissance attendrie en donnait-elle plus de chaleur encore à sa tendresse.

Quant à l’avenir, pour lui si bref sans doute au regard de celle qui si longtemps lui survivrait, il s’en reposait sur Dieu.

Et Louise, était-elle heureuse ? C’est là un mot dont les acceptions sont diverses. Elle avait la vie douce et sûre, elle était honorée et chérie. À celui qu’elle appelait son mari elle portait une affection profonde. Si elle nourrissait quelque regret de sa liberté aliénée, de sa jeunesse entravée par une fiction, cela, personne ne le savait, jamais ne le saurait. Le savait-elle même, voulait-elle le savoir ?… Sa raison était de celles qui sont assez fermes pour s’arrêter au seuil de certains replis du cœur.

Afin d’égayer cet intérieur un peu grave, le général avait souhaité que la plus jeune des demoiselles Sigebert fût souvent auprès de sa cousine, de qui elle avait fait sa sœur d’élection. Entretenant avec son frère une active correspondance, il notait guère de lettre de Ludivine qu’elle ne lui parlât de Louise « Tu n’as pas oublié, j’espère, cette scie de famille que nous avions puisée dans les Lettres d’Italie du président de Brosses — quelle érudition ! — : « Comment peut-il tant pleuvoir en un aussi petit endroit ? » Par analogie je te dirai : c’est inconcevable ce que peuvent être fécondes en événements nos localités grandes comme une boîte à violon. L’autre jour je t’avais mandé le mariage d’Hélène… pardon, de Nelly Pépin avec un officier d’artillerie de la Fère. Cela n’avait rien de bien remarquable. Mais cette famille fournit à la chronique soissonnaise, ainsi qu’à