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VEUVAGE BLANC

travaillait comme un bœuf. Il se disposait à partir pour explorer de vastes forêts à l’état quasi vierge, en vue d’étudier leur exploitation, ainsi que l’établissement de grandes scieries hydrauliques, car l’exportation du bois en planches est beaucoup plus avantageuse qu’en billes. Très belle affaire, à laquelle il serait intéressé dans une large mesure.

On s’étonna chez les Sigebert que ce succès imprévu ne mît point dans ses lettres un accent plus joyeux.



CHAPITRE XIII


Les jours passèrent, apportant à chacun la joie ou la peine et le sourire succédant aux pleurs, revers à ceux-ci, à ceux-là triomphe, à la plupart de menus événements sans relief, sources de petits bonheurs ou de puérils chagrins, à tous la fuite inexorable du temps, chaque oscillation de l’éternel balancier arrachant un lambeau de vie. Pour le général Thierry, ils amenèrent l’inflexible terme de sa carrière de devoir et d’honneur.

Lorsque le commandant de la 12e division eut donné sa dernière signature militaire, mise au bas de l’ordre du jour par lequel, en brèves et nobles paroles, il adressait au drapeau son salut d’adieu, une émotion profonde vint l’étreindre à la gorge. Mais ses yeux en cet instant rencontrèrent les yeux de pervenche qui lui souriaient. Louise avait voulu être auprès de lui en ce jour. Allant à elle, il la baisa au front.

— Le bonheur, dit-il, rend ingrat. Vous m’y avez tellement habitué que j’oubliais ce que, sans votre chère présence, m’eût été pire la tristesse de cette heure.

Fixé désormais, pour y accomplir ce que le destin