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VEUVAGE BLANC

ter des gisements aurifières. Plusieurs semaines durant, sa sœur avait interrompu une correspondance qui ne l’aurait pas joint. Retour à Trois-Rivières, parmi les lettres qui l’attendaient, celle de Ludivine, comme d’habitude, fut la première qu’il ouvrit.

« J’ai à te mander un grand malheur. Notre cher et bon général n’est plus. Souvent il le disait en façon de plaisanterie : « La retraite est pour nous une époque climatérique. Si elle ne tue pas à brève échéance elle délivre un brevet de longue vie. » Hélas ! Il n’a pas mis quinze mois à en mourir. Depuis quelque temps nous remarquions que sa santé s’altérait. Il maigrissait, son teint s’était plombé, il se cassait un peu. Mais cola semblait naturel. Quand on est demeuré très vert et vigoureux, on vieillit tout d’un coup, et certes, à soixante-six ans, nous pouvions espérer le conserver longtemps encore. Malheureusement son organisme si robuste était miné par la malaria. Lorsque ces fièvres reviennent sur le tard, paraît-il, elles exercent de profonds ravages. Par là-dessus s’étaient greffés des désordres au foie. Enfin l’urémie s’y est mise et c’est ce qui l’a emporté.

« Il n’a été vraiment malade au lit qu’un mois pendant lequel, bien que j’aie aidé de mon mieux, Louise ne l’a pas quitté d’une heure. Les derniers jours seulement, elle a dû prendre une religieuse pour la soulager. Le pauvre général a beaucoup souffert, avec une patience, une douceur, une résignation admirables. Jusqu’à la fin il a conservé sa pleine connaissance. Lui-même avait demandé les sacrements quand il a senti son heure proche, et il a montré une fermeté qui n’est point pour étonner de sa part.

« Il a rendu le dernier soupir dans les bras de Louise dont la douleur est profonde. Tu sais combien elle lui était attachée et certes il le méritait amplement.