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VEUVAGE BLANC

On s’inquiéta des uns, des autres, souvent pour dire : « Mort… mutilé… disparu… » Et Randolph Curtis ? Claude leur apprit qu’il avait vaillamment fait son devoir dans les troupes canadiennes, vaillantes entre toutes celles portant l’uniforme britannique, jusqu’au jour où, gravement atteint par les gaz et réformé, il était retourné à Trois-Rivières. Ils avaient, ces temps derniers, activement correspondu avec, pour lui, un résultat des plus intéressant. M. Curtis senior, décidément valétudinaire, venait d’élire domicile à Toronto, où était établie sa fille, mariée à un riche banquier. Randolph, de qui la femme autant que lui était éprise de voyages, estimait bien lourde l’unique responsabilité de cet immense élevage augmenté d’une florissante exploitation forestière. Et ainsi le jeune Français, présentement second fils de la maison, ayant fait ses preuves de capacité et d’autorité, se trouvait-il associé aux affaires dans les conditions les plus avantageuses. C’était l’expatriation pour la vie sans doute en ce pays qu’il aimait extrêmement. Très fier de l’homme qu’était devenu son garçon, le père soupira un peu. Mme Sigebert s’abandonna plus bruyamment à un regret résigné.

— C’est bien malheureux tout ça, conclut-elle… bien malheureux pour nous, veux-je dire… Mais quoi ? il ne faut pas être égoïste et les enfants doivent vivre selon leur goût.

— Bah ! affirma Claude, le voyage est peu de chose… on peut faire de temps en temps une fugue au pays. Et toi, Ludivine, pourquoi ne viendrais-tu pas visiter le Manitoba ?

Gaiement la jeune sœur s’exclama :

— Eh bien ! c’est retour de la patrie des Micmacs et des Chicachas que j’aurais un succès dans la région de Molinchart…

Puis, se rembrunissant, elle ajouta :