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— Et c’est Dieu vraiment qui vous a envoyé.

Un nouvel afflux de sang empourpra les grosses joues rasées entre les favoris gris. Et un instant une quinte de toux l’étrangla.

— Voilà comme c’est arrivé. Un de mes clients, qui a un gros paquet des raffineries de Thessalie, très atteintes par la crise, vient me demander si je pourrais lui procurer des renseignements. À qui m’adres­ser mieux qu’au cousin Amédée ? Je prends donc l’express du matin et au débotté je me rends à son bureau, afin de pouvoir télégraphier à mon client avant la Bourse. Comme les choses s’arrangent singulièrement dans la vie !…

L’orpheline se taisait. Lasse de parler, elle retombait dans l’atonie. Le notaire en profita pour poursuivre son avantage.

— Au surplus, ma chère petite, que sert de ruminer ces tristes choses ? Une autorité compétente entre toutes a tranché le doute si cruel qui vous obsède. S’il y avait si peu que ce soit présomption que l’acte déplorable de mon pauvre cousin a été accompli de propos délibéré, est-ce que votre paroisse lui eût accordé les prières que l’Église refuse aux félons de soi-même ?

Louise redressa vivement la tête penchée sur sa poitrine. L’argument la frappait.

— Si, ce que vous avez approuvé, j’ai décidé avec le curé de Saint-Philippe que les obsèques seraient célébrées sans apparat, c’est que, vu les circonstances douloureuses du décès, cela nous a paru plus convenable. Mais dés qu’il était acquis qu’un mouvement de délire avait armé le bras du défunt, le péché n’existait plus. Ainsi en a jugé un prêtre éclairé et d’esprit vraiment chrétien. Pouvons-nous mieux faire que penser comme lui ?

D’une voix basse, étouffée dans un profond soupir :