Page:Bovet - Veuvage blanc, 1932.pdf/18

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

premiers jours, on n’a pas la force… Dans quelques semaines, si vous voulez bien me garder jusque-là…

— Quelques semaines !… Que voulez-vous dire ?

— Ne faudra-t-il donc pas que je cherche du travail ? Ce mot austère sonnait si étrangement dans la jeune bouche qui bravement le prononçait, que Me  Sigebert en fut choqué comme d’une discordance.

— Par exemple ! s’exclama-t-il, ne sachant que dire…

— Et pour cela vous m’aiderez… Vous me conseillerez. Je n’igore pas combien c’est difficile à une femme… Et moi, je ne sais rien faire… La musique, l’anglais, comme toutes les jeunes filles. Enfin, avec de la bonne volonté, on s’arrange toujours pour gagner son pain, n’est-ce pas ?

Elle s’exaltait, un peu de fièvre venait colorer ses joues pâles.

— Voyons, voyons, s’exclama le notaire, presque bourru, de quoi allez-vous donc parler ? Est-ce que les Sigebert ne sont pas là ?

Et coupant court aux paroles pour lesquelles s’entr’ouvraient les lèvres de Louise, incohérent, il reprit :

— Je vous demande un peu si c’est le moment… À chaque jour sa peine… Pour l’heure, il s’agit de quitter cette maison. Certes, ce sera un gros déchirement… Aussi, n’êtes-vous point d’avis que le plus tôt sera le plus sage ? Puisque vous êtes tellement courageuse, vous sentez-vous en état de partir dès demain ?

Oh ! si vite… À cette pensée, le pauvre cœur chavira. Suffoquée par les larmes, Louise se jeta dans des bras qui, paternellement, se refermèrent sur le menu corps vêtu de noir. Un instant, sur la large épaule, elle sanglota. Puis, s’arrachant de l’étreinte, elle s’enfuit.