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VEUVAGE BLANC

au ciel… Une sueur froide passa dans le dos du notaire.

— Le malheur ? Quel malheur ?

La concierge le dévisage d’un air sévère, comme pour lui reprocher d’être mal instruit de l’événement du quartier. Puis, sur ce ton apitoyé et important à la fois des subalternes se jugeant grandis d’être témoins d’un drame.

M. Fresnaye vient de se brûler la cervelle.

— Ah ! mon Dieu, mon Dieu !…

Ses jambes tout d’un coup molles se dérobant sous le corps pesant, il dut s’accrocher à la porte.

— Oui, monsieur. Il y a une demi-heure peut-être… juste comme le facteur passait pour la seconde distribution : ça fait sur les dix et quart… un des employés est descendu quatre à quatre. Ils avaient entendu les détonations et étaient entrés dans son cabinet, où ils l’ont trouvé étendu sur le tapis, avec un trou dans la tête, le pauvre monsieur. Nous sommes montés bien vite, nous deux mon mari… Ah ! monsieur, c’était une chose de voir ça… Un médecin est venu tout de suite, mais c’était bien fini. Si monsieur veut monter ?… Le commissaire de police est là-haut, pour les constatations.

Le notaire continuait à bégayer machinalement :

— Ah ! mon Dieu, mon Dieu !…

Redevenu tout pâle après l’afflux du sang qui d’abord l’avait empourpré :

— Je suis son parent, reprit-il… J’avais reçu un télégramme…

— Alors bien sûr que c’est pour vous la lettre ? Parce qu’en arrivant ce matin, M. Fresnaye l’a remise et a recommandé qu’on la donne à un monsieur qui viendrait le demander vers les onze heures… Monsieur Sigebert ?

Cette lettre qu’à peine avait-il ouverte et parcourue