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VEUVAGE BLANC

de vin qu’il lui avait fallu accepter, tant bien que mal, Louise tint tête aux questions de Mme Sigebert, tellement pressées d’ailleurs, et entrecoupées d’exclamations, d’interjections, d’onomatopées, que le joint pour placer son mot ne se trouvait pas aisément. Assises en rang, ses trois cousines la regardaient. Encore que ce fût avec des yeux apitoyés, l’orpheline, si effrayée hier de la solitude, en éprouvait tout d’un coup l’immense besoin.

Processionnellement enfin on la conduisit à sa chambre, et tout d’abord Mme Sigebert insista pour qu’il fût procédé au récolement des colis. Un petit sac étant signalé manquant :

— Clovis ! Clovis ! clama-t-elle du haut de l’escalier…

Ce qu’ouïssant, celui-ci, en train de mettre le couvert, empoigna son panier à bouteilles et se dirigea vers la cave, prétexte honnête pour se dérober à un appel qu’il estimait oiseux autant qu’inopportun.

— Va donc voir, Ludivine… ce sac doit être resté dans le vestibule… Ah ! la trompe du messager… Il faut que j’aille vérifier mes paquets… Vous permettez, ma chère petite ?… Nous devons tout faire venir de Laon, et encore nous n’avons rien. Ah ! ce ne sont pas les ressources de Paris… Fédora ! Fédora !

À quoi la cuisinière, occupée à battre ses blancs pour les œufs à la neige, ne répondit qu’en manœuvrant le moussoir avec un redoublement de vigueur, ce qui pouvait au besoin la dispenser d’avoir entendu. Son empressement d’ailleurs eût été superflu, la vigilante maîtresse de maison étant déjà en querelle avec le voiturier au sujet d’un carton à demi défoncé.

— Tes livres doivent être arrivés, Aurore, dit à son aînée la plus jeune des trois sœurs. Est-ce que tu n’en as pas à remettre pour être rendus demain ?

— Oui, oui, j’y vais.