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VEUVAGE BLANC

Julie, la seconde, s’était esquivée déjà, car elle attendait un chapeau.


CHAPITRE IV


Pour être au nombre des Grâces, les demoiselles Sigebert n’en possédaient point les attraits. Bien que la doyenne eût à peine atteint la trentaine, un embonpoint précoce alourdissant encore la structure naturellement massive qu’elle tenait de son père, déjà semblait-elle hors d’âge. Son renom local de bel esprit n’était pas rendu manifeste par le regard terne des petits yeux myopes, percés en trous de vrille dans un visage bouffi de blonde lymphatique. Il est positif cependant que rarement Aurore était vue sans un livre entre ses mains grasses et blanches. Invariablement œuvres d’imagination, de toutes farines, louées au cabinet de lecture du chef-lieu ou bien empruntées très loin à la ronde.

Mais, par surcroît, elle écrivait. Tous les Courriers et les Messagers, toutes les Étoiles et les Sentinelles, les Réveils et les Échos du département et de ceux limitrophes étaient dépositaires de sa prose melliflue s’épanchant en contes moraux, nouvelles sentimentales, paysanneries idylliques, variétés instructives, de poésies également, dont plusieurs avaient été couronnées par des académies régionales. Dédaigneuse de la mode, sa coiffure tout en boucles, genre Sévigné, avait pour objet d’exprimer son âme lyrique. Pareillement, sa haute intellectualité se traduisait-elle en costumes d’intérieur, jugés de haute fantaisie par ces dames de Bruyères-et-Montbérault — les communes jumelles — et conçus dans un sentiment oriental qui ne messayait point à son effondrement d’odalisque.

Mlle Aurore n’est pas facile à marier, disaient