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VEUVAGE BLANC

Sans daigner prêter nulle attention aux personnes présentes, le vieux braque bleu fit deux ou trois fois le tour de la chambre en reniflant avec force. Assuré que son jeune maître ne s’y trouvait point, il s’approcha de l’inconnue qu’il se mit à flairer longuement, mais avec plus de délicatesse. À mesure qu’il s’avançait dans cet examen olfactif, sa physionomie, d’abord sévère, allait s’adoucissant. Son tronçon de queue commença à remuer d’un mouvement qui progressivement s’accéléra jusqu’à ce que, en sachant assez, il s’assît sur le derrière en face de Louise, pour la dévisager de ses beaux yeux d’or. Enfin, gravement, il lui offrit une patte, puis l’autre et comme elle lui flattait la tête, de deux grands coups de langue sur la main il acheva de lui souhaiter la bienvenue.

— Un vrai succès, déclara Ludivine. Porthos n’est pas du tout banal. Avec ceux qui n’ont point l’heur de lui plaire, et c’est le grand nombre, il n’y a pas plus ronchonneau. Mais vous, ça y est… vous êtes de la famille à présent, ad vitam æternam.

Louise soupira. Enfin, Me Sigebert l’avait bien dit : à chaque jour sa peine.

— Mon cousin Claude n’est plus avec vous ? demanda-t-elle au bout d’un instant.

— Oh ! le pauvre garçon, il a eu bien des ennuis. Il s’était présenté à l’École forestière de Nancy… car c’est une manière de sauvage, figurez-vous, un homme des bois, qui ne se plaît pas du tout au commerce des humains. Il avait été admissible haut la main et était certain d’être reçu l’année suivante. Oui, mais voilà que, quelques jours avant les examens, il tombe malade. C’était une fièvre typhoïde qui l’a tenue trois mois entre la vie et la mort. Bref l’école à vau-l’eau, la limite d’âge étant passée. Enfin, il est guéri à fond, trop à fond, car on le trouve excellent pour le service et ce sont ses trois ans à tirer, ne jouissant plus de la