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VEUVAGE BLANC

— Dites vous n’allez pas nous traiter ainsi cérémonieusement ? Mes sœurs encore, à première vue, je comprends qu’elles imposent : Aurore avec son port majestueux et notre ténébreuse Julie… Mais moi !… Savez-vous que, dans mon bas âge, j’étais grosse comme pour deux liards de beurre et assez drôle, paraît-il, ce qui fait qu’on m’appelait « le petit bout ». Ça m’est resté longtemps… Si bien que, quand vous me dites « ma cousine » gros comme le bras, il me semble être ma propre grand’mère.

Elle avait, cette petite Ludivine, le tact qui vient du cœur et ne cherchant pas les paroles stériles pour la consolation des affligés, savait trouver celles qui, un instant, les détournent de leur affliction.

Les besognes manuelles aussi, lorsqu’on est en état de s’y livrer, constituent un dérivatif salutaire. Abandonnée à elle-même, Louise peut-être n’aurait pas eu le courage de s’occuper déjà à son installation. Avec auprès d’elle cette gentille activité trottinante, son goût pour l’ordre lui revint.

— Mieux vaut ne sortir que le nécessaire pour quelques jours, conseilla Ludivine, car vous aurez la chambre verte. Nous avons été prises de court et le temps a manqué pour la faire à fond. Or, plutôt que mettre quelqu’un dans une chambre qui n’est pas faite à fond, maman céderait la sienne.

De nouveau, Louise sourit.

— Vous êtes donc provisoirement dans la chambre de mon frère. Comme il vient coucher de temps à autre, elle est toujours en état. Même cela sent quelque peu la cigarette. Vous ne craignez pas cette odeur ?

— Mon pauvre père fumait beaucoup.

Oh ! l’horreur de cet imparfait… Les jolis yeux de pervenche s’obscurcirent.

Un grattement derrière la porte vint faire diversion.

— C’est Porthos. Il s’imagine que Claude est arrivé.