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VEUVAGE BLANC

Cette paix du moins et cette douceur, sans abolir son souci, l’allégeaient, lui donnait la force de le considérer en face. Les prévisions de Me Sigebert s’étaient réalisées : le petit avoir que Louise tenait de sa mère se trouvait englouti avec le reste. Sur la somme qu’avant de mourir Amédée Fresnaye avait confiée à son cousin, les funérailles payées, quelques menues dépenses faites, une centaine de louis demeuraient, constituant tout le bien terrestre de l’orpheline. Sur le conseil du notaire, elle les avait placés en compte courant dans une banque.

— Ce sera, disait-elle, ma petite réserve. Combien dans ma position n’en possèdent pas autant !

Elle souriait d’un faible sourire qui, pour témoigner de sa vaillance, triomphait de sa tristesse.

— Vous n’avez besoin de rien, en effet, remarqua, pratique, Mme Sigebert. Et même votre deuil fini, on ne fait guère ici de toilette.

— Mais, ma cousine, bien avant la fin de mon deuil sans doute, je vous aurai quittée.

— Par exemple !…

Cette exclamation avait amené des larmes aux yeux de Louise. Puis, sa délicatesse s’alarmant de ce que peut-être ses parents pussent prendre ombrage du désir de se soustraire à leur hospitalité, toute rougissante et confuse comme si elle se fût accusée d’une mauvaise pensée, elle avait déclaré son intention de chercher un emploi dans une famille. De nouveau, l’excellente femme protestant avec véhémence :

— Mais ce n’est pas si terrible, avait repris Louise. Après que nous avons perdu ma pauvre maman, ne voulant pas me mettre en pension, mon père m’avait donné une institutrice, puis, jusqu’à ces tout derniers temps, j’ai eu une dame de compagnie. Elles n’ont pas du tout été malheureuses, je vous assure.

— Je vous crois, s’était impétueusement récriée