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VEUVAGE BLANC

— À bas, mon vieux, à bas !… Mais finis donc, idiot… Tu vas me faire casser la tête.

Le ton de la jeune voix vibrante n’était que d’un reproche mitigé. Aussi le chien n’en tenait-il aucun compte, bondissant joyeusement autour du cycliste, qui prestement mit pied à terre et se trouva en face de la frêle silhouette noire arrêtée au bord du fossé. Par un geste de machinale politesse il souleva sa cas­quette et, après une brève hésitation, il s’avança vers la jeune fille :

— La cousine Louise, j’imagine ?… Dois-je me présenter ?

— Inutile, car alors vous êtes mon cousin Claude.

Gentiment elle lui tendit la main, cependant que légèrement embarrassés de ne savoir que se dire, ils se regardaient en souriant.

— Est-ce pour m’avoir vue voilà si longtemps que vous m’avez reconnue ? demanda-t-elle enfin.

— Sans le manège de Porthos, sans ce grand deuil aussi, j’aurais hésité assurément.

— C’est que nous avons un peu changé.

— Moi surtout… du moins je l’espère, car le souvenir me restait d’une charmante petite cousine, tout à fait sérieuse et très jolie déjà, qui m’intimidait beaucoup, tandis que j’étais un affreux collégien.

— Mais pas du tout. Je me rappelais au contraire un grand cousin très gentil, qui s’était beaucoup occupé de moi.

— Eh bien ! ma cousine, vous me permettrez encore de me rendre utile, sinon agréable, autant qu’il sera en mon pouvoir.

— Tous les vôtres sont infiniment bons pour moi et je n’attends pas moins de vous, mon cousin.

Un accent de tristesse avait légèrement altéré sa voix et, de l’entendre, une gravité passa dans la physionomie du jeune homme. Lui, appuyé sur le guidon