Page:Bovet - Veuvage blanc, 1932.pdf/47

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
45
VEUVAGE BLANC

de sa machine, elle tapotant doucement la tête du chien, un instant encore ils demeurèrent sans parler.

— Vous rentriez ? fit enfin Claude… Prenons donc par le pré : il fera plus frais.

Cheminant côte à côte dans l’étroit sentier, ils devisaient maintenant avec cette aisance que donne la franchise du caractère, ils avaient en commun les souvenirs de la journée unique passée douze ans plus tôt par Louise Fresnaye chez les cousins Sigebert, et une intimité naissait entre eux de ces puérilités remémorées.

— Je vous ai balancée sur l’escarpolette, disait-il, et pour vous taquiner un peu, je vous lançais très haut. Mais vous étiez brave.

— Je mourais de peur, au contraire. Seulement je ne voulais pas l’avouer.

— Et la tortue Zéphyrine, vous vous en souvenez ?

— Elle ne m’était pas très sympathique.

— Ce sont des animaux qui gagnent à être connus. Et ils ont leur jugeotte. Elle avait été oubliée, figurez-vous, dans le fourneau de la buanderie. Quand on a allumé pour la lessive, une fâcheuse odeur de graisse fondue a révélé sa présence. On l’a retirée à demi grillée et plongée dans un seau d’eau, d’où elle est sortie parfaitement gaillarde. Toutefois, une maison où on est exposé à de telles malencontres ayant cessé de lui plaire, un beau jour elle a disparu. Je l’avais remplacée par un hérisson.

— Vous aimez toujours les bêtes, à ce que me dit Ludivine. Seulement aujourd’hui ce sont les chiens et les chevaux. Moi aussi d’ailleurs, je les aime.

— Cela prouve, ma cousine, que nous sommes de belles âmes. Ne riez pas… Ceux qui aiment les bêtes, les bêtes les aiment… Voyez Porthos…

— C’est pourquoi vous les préférez aux hommes… toujours selon votre sœur.