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VEUVAGE BLANC

les domestiques qui, attablés, demeuraient sourds à son intempestive réquisition. Sans les attendre d’ailleurs, elle monta afin de vaquer elle-même aux soins préliminaires de l’installation de son hôte dans la petite chambre bleue.

Le moment était venu pour Julie de prendre sa revanche.

— Nous avons ici, dit-elle, un petit tennis-club — elle prononçait avec un accent britannique à l’excès — dont c’est tout à l’heure précisément jour de réunion. Si vous vouliez, monsieur, nous faire le plaisir de vous mesurer avec nous… en nous rendant des points, bien entendu, car nous ne sommes pas de très fines raquettes…

Vainement Claude fit-il de gros yeux à son ami. Celui-ci accepta de participer à cet anodin divertissement avec autant d’entrain que s’il se fut agi d’une partie de chasse au bison. Ludivine était réfractaire au tennis, peu fait, disait-elle, pour mettre en valeur son genre de beauté. Quant à Claude, son éloignement pour les mondanités locales l’avait toujours retenu d’aller, même en spectateur, jusque sur le terrain. Néanmoins proposa-t-il à Louise la promenade et, pour la première fois depuis qu’elle faisait partie de la famille, l’orpheline consentit à sortir de sa retraite.

Tandis que Julie épinglait sur ses noirs bandeaux le paillasson canotier avec lequel la chemisette en oxford bleu, la cravate à la marinière, la ceinture de daim et la jupe courte de piqué blanc constituaient un costume tout à fait « sport », disait-elle, d’un ton acidulé, elle fit à sa sœur aînée cette remarque : — Les voilà inséparables. Pour s’être vus une fois quand ils étaient gosses, on dirait qu’ils ont gardé les vaches ensemble.

— L’éternelle chanson de la jeunesse, proféra Aurore avec son sourire supérieur… Peut-être est-ce le coup de foudre.