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VEUVAGE BLANC

tentions de Julie Sigebert une sérieuse concurrence. Celle-ci néanmoins s’était mise avec elles sur un pied de grande intimité, affectant de les tenir pour les seules relations du voisinage dignes de sa propre supériorité d’élégance.

Elle avait aussi d’autres motifs, chuchotaient les langues du pays, ou plutôt un seul, lequel pourrait bien être l’existence d’un frère associé au tissage venant chaque semaine avec son père, du samedi au lundi. Précisément se trouvait-il là. Gros garçon roux et joufflu, le front bas, des yeux de ruminant couleur bleu de faïence japonaise, la physionomie têtue et sournoise, ce jeune coquebin, assez empêtré auprès des femmes, n’était pas des plus séduisant, mais pour la médiocrement pourvue beauté de Bruyères, il eût constitué un beau coup de filet.

D’autant se trouvaient diminuées les faibles chances du second clerc de l’étude, blondin rose et poupin, subjugué par les ténébreux attraits de la fille du patron, mais qu’une humble naissance et l’impossibilité d’ache­ter jamais la charge vouaient à l’emploi de ver de terre amoureux d’une étoile. Comme il sied toutefois d’enchaîner des cœurs à son char, Julie daignait accorder à M. Achille quelques menus suffrages, fût-ce uniquement dans le but de piquer au jeu le receveur de l’enregistrement, M. Costerousse, Toulousain au verbe sonore, dont Mlle Sigebert cadette au besoin se fût accommodée car il avait, à l’en croire, quelque bien chez lui.

Les autres membres du club étaient de moindre importance. La fille du juge de paix appartenait à ce type, qualifié en idiome local de « petite ingratitude ». Et ne sachant pas, à l’égal de Ludivine, en prendre de bonne humeur son parti, elle puisait dans la conscience de sa disgrâce une gaucherie qui faisait d’elle la terreur de ses partenaires. Puis la progéniture du