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VEUVAGE BLANC

maire, très gros marchand de grains, de souche paysanne, dont les héritiers, décrassés par l’éducation reçue dans les institutions religieuses les mieux fréquentées du département, répondaient respectivement aux noms indigènes de Laure, Lauris et Laurisson. Celle-là, compagne de couvent de Julie. Des deux fils, le plus jeune, se reposant avant le service militaire des fatigues d’un baccalauréat péniblement décroché, était un long jouvenceau quasiment albinos, dont, chaque fois qu’une personne de l’autre sexe lui adressait la parole, les joues, vierges de tout poil s’empourpraient au point de donner à croire qu’il allait périr par asphyxie. L’ainé, grand gars faraud et avantageux, manière de coq de village, chasseur, buveur, employait le meilleur de son temps en parties de billard au café du Coq d’Or.

Lauris Lehupier n’ayant aucun goût pour la bonne compagnie, on ne l’avait point vu sans étonnement se laisser enrôler dans le club de tennis. La rumeur publique attribuait ce changement d’humeur à la vive impression qu’aurait produite sur lui la turbulence garçonnière de la petite Daisy Pépin. Et on supputait ce que, le cas échéant, pourrait donner la totalisation de deux fortunes bien faites pour s’allier.

Quelle entrée triomphale au milieu de ce médiocre contingent masculin fait aujourd’hui Julie Sigebert remorquant un si beau cavalier, qu’auréole encore sa nationalité !…

— C’est tellement distingué d’être Anglais, a coutume de dire une châtelaine du voisinage, cliente de Me  Sigebert, la vieille baronne Le Housset, dont la belle et, assure-t-on, folâtre jeunesse s’est écoulée à Paris, au temps de Louis-Philippe, où sous les auspices du duc d’Orléans s’introduisit en France le britannisme.

Et Claude Sigebert encore, quelle aubaine ! Car,