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VEUVAGE BLANC

Toutes les fatigues si gaillardement endurées me tombent sur les épaules.

— Laisse donc… Quand tu te seras reposé, tu feras un nouveau bail.

— Pas bien sûr. Je te le dis au contraire, depuis que me voici temporairement métamorphosé en bon bourgeois, effet de l’oisiveté, de l’air du pays, que sais-je ? une mollesse m’engourdit. Et sais-tu bien à quoi très sérieusement je pense ? Puisque j’ai dû faire halte sur la route, sera-ce bien la peine de reprendre une course dont le terme est aussi proche ? Et ma fois, j’ai quelque vélléité de demander la liquidation de ma pension

— Tu n’es pas en ligne pour les plumes blanches ?

— Trop tard. Le coche est manqué.

— Avec ton ancienneté pourtant, tes beaux services…

— On ne sait jamais pourquoi, ni comment ces choses-là s’arrangent. Dans notre grade, nous nous valons à peu près tous. L’un décroche la timbale les autres restent en route… il n’y a pas à s’en chagriner.

Sous sa philosophie, une mélancolie se devinait. Le notaire objecta :

— Mais les services que tu peux encore rendre au pays…

— Faute d’un moine, l’abbaye ne chôme point.

Uno avulso, non déficit alter…

— Si tu préfères. Je crois pouvoir, en conscience me rendre cette justice d’avoir bien servi. Mais, moi installé dans mes pantoufles, un camarade chaussera mes bottes sans qu’il y ait rien de changé en France qu’un nom sur l’Annuaire et un retraité de plus. En mon temps d’ailleurs, je préconisais, comme cela se doit, le rajeunissement des cadres supérieurs. Il messied de l’oublier quand on est à son tour passé vieille baderne. De toute façon d’ailleurs, l’état-major