Page:Bovet - Veuvage blanc, 1932.pdf/79

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
77
VEUVAGE BLANC

N’est-il donc pas plus raisonnable de sacrifier ses jours de grâce ?

— Et tu t’établirais ici ?

— Bien heureux d’avoir un point fixe à rallier, au lieu de planter ma tente au hasard de la dernière garnison, ou bien d’élire domicile à Versailles, cette nécropole des vieux pompons.

— Ne t’y ennuieras-tu point ?

— Pourquoi m’ennuierais-je ? N’est-ce pas le vœu du sage au terme de sa carrière : s’asseoir à l’ombre de sa vigne ou de son figuier ?… Les occupations au surplus ne me manqueront point. Fer pour fer, je troquerai l’épée contre le soc de charrue…

— Cincinnatus…

— À cela près que je n’ai pas sauvé la patrie, et qu’elle ne viendra point me relancer. Si, comme le commande la prudence, je laisse la culture aux soins de mes métayers, j’aurai du moins le jardinage… la chasse, tant qu’il me restera assez de jambes pour aller en plaine derrière un bon pointer. Je ferai mon apprentissage de pêcheur à la ligne. Puis quelque manie me viendra peut-être… Les fouilles par exemple… Notre sol n’est-il pas riche en antiquités ?

Comme il sied à un notaire d’esprit cultivé et d’âme traditionaliste, Me Sigebert était passionné pour l’archéologie locale. S’échauffant aussitôt à cette perspective :

— Tu ne crois pas si bien dire. Justement à la lisière de la luzerne, jouxtant les terres du maire, en creusant une tranchée d’irrigation on a mis au jour des ossements mêlés de fibules. Je les ai recueillis pour te les montrer. Il y avait là autrefois des tumuli qui ont été rasés du temps de ton père. Toujours j’avais pensé que ce devait être le lieu de quelque sépulture mérovingienne. Et de l’autre côté de Montbérault, la tradition, t’en souviens-tu ? place un camp romain