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VEUVAGE BLANC

et parfois les deux jeunes filles s’y asseyaient un moment. Ce degré était volant afin que, par mesure de sécurité, on pût le retirer le soir. Mais Louise n’était pas peureuse et souvent l’oubliait.

Elle à sa fenêtre, lui au bas de la terrasse, quelques remarques distraitement échangées sur la beauté de la nuit, sur la probable continuité de la chaleur, de nouveau ils se turent. C’est qu’il n’est pas très facile de soutenir la conversation à un étage de distance. Ainsi Claude en jugea-t-il. Et tout d’un coup, posant un pied dans la fourche que faisait le tronc noueux du jasmin de Virginie, leste et souple comme un chat, il se hissa jusqu’aux balustres, d’un vigoureux rétablissement sur les poignets les franchit, et se trouva rendu dans « Babylone ».

— Voyez, cousine, comme ce serait facile de s’introduire chez vous.

— À supposer que quelque inconnu nourrit ce dessin, Porthos, j’imagine, l’eût déjà appréhendé aux chausses.

Elle à sa fenêtre, lui maintenant sur la terrasse, de nouveau ils demeurèrent silencieux.

— Savez-vous, reprit enfin Claude, à quoi je songeais, en musant aux étoiles ? Que dans huit jours, je les contemplerai du pont de ce paquebot qui va m’em­mener loin d’ici.

— Ce sera toujours les mêmes étoiles, cousin, qui vous regarderont… et qui vous protégeront, je le souhaite de tout mon cœur.

— Je serais bien heureux de penser que, pour le leur demander, vous les regarderez en même temps que moi.

Son accent décelait une émotion qu’on ne lui connaissait guère. Est-ce parce que Louise la devina qu’elle ne répondit rien ?

— Penserez-vous quelquefois à l’exilé, cousine.

— Plus souvent, j’imagine, qu’il ne pensera…