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VEUVAGE BLANC

« Pour ce qui est moi, je suis très, très heureuse de cette solution. D’abord parce que Louise ne s’éloignera guère de nous, ensuite que ceux qui l’aiment doivent se réjouir de savoir son existence fixée dans des conditions plus qu’honorables. Quant à la plaindre d’être la femme d’un vieux, mais, je n’y songe même pas. Il est certain qu’à première vue, cela choque. Cependant, s’il n’est pas un jeune homme — ni même un homme jeune — il est général. Tout ce que tu voudras, mais cela ne fait pas du tout le même effet que s’il était notaire par exemple — soit dit sans offenser la respectable corporation à laquelle nous appartenons de père en fils. Tu diras que j’ai de l’imagination, ne l’ayant jamais vu qu’en pékin. Mais j’ai assisté à des revues de grandes manœuvres et du 14 juillet. Je me le représente donc très bien à cheval sur le front des troupes, en culotte blanche et ceinture rouge et or, avec les fontes en peau de léopard levant son épée pour commander le défilé et salué par les drapeaux. Julie, à qui j’ai fait part de cette réflexion puérile, s’est roulée, remarquant, non sans raison, que sa femme le verra plus souvent en pantoufles et bonnet grec. Que veux-tu, ces choses-là ne se raisonnent point. Et quand même, tiens hier encore je la voyais rentrer de sa promenade, en simple veston et leggings. Il était sur ce grand pur sang que tu as monté souvent, Centurion. Eh bien ! je t’assure que le ténébreux Costerousse, avec ses airs Fracasse, qui l’a croisé sur la route, n’était nulle part auprès de lui.

« Au surplus, il ne s’agit pas de ça. Ce mariage-là n’est pas un mariage comme un autre. Lorsque j’entends traiter le général de vieux toqué, cela me met en colère, car quelque chose me dit qu’il a fait une très belle action et très désintéressée. Est-ce à entendre que de son côté Louise l’ait épousé pour la