Page:Boyer d’Argens - Lettres juives, 1754, tome 1.djvu/106

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Il avoit une jambe plus courte que l’autre de quatorze pouces, & prétendoit que tous les trois mois elle s’allongeoit d’une ligne. Un mathématicien, qui calcula le tems auquel sa guérison seroit complette, la régla à cinquante-cinq années de cabrioles.

Beaucoup de gens trouvèrent ce goût de spectacle charmant : ils y allerent pour le voir ; & dans la suite, plusieurs voulurent danser eux-mêmes : en sorte qu’il y eut peu de troupes de danseurs de corde aussi complettes. Ceux du parti contraire voulurent engager les comédiens François & Italiens à présenter une requête au parlement, pour faire finir un spectacle qui leur portoit préjudice. Mais, soit que ceux-ci eussent été gagnés, soit qu’ils ne voulussent pas empêcher leurs confreres de gagner leur vie, ils garderent le silence.

Cependant ces ballets déplurent au roi : il fit murer la porte de leur salle [1] ; & leur défendit, sous de grieves peines, de continuer leurs exercices.

Ne pouvant plus danser en public, ils représenterent chacun chez soi, & à huis clos. Mais comme le nombre de ces danseurs avoit beaucoup augmenté, & que leurs sauts, accompagnés d’airs barbares

  1. Du cimetière où étoit le tombeau du prétendu saint.