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Page:Boyer d’Argens - Lettres juives, 1754, tome 1.djvu/112

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a près de deux cens ans, nos théologiens se divisèrent entr’eux : la cour se déclara pour les uns ; une partie du peuple, & de la noblesse pour les autres. Pendant quelque tems, la chose se passa en simples disputes ; mais peu-à-peu la haine & la jalousie s’y mêlèrent. La cour trouva mauvais qu’il y eût dans le royaume des sentimens différens des siens, & le roi ordonna à ses sujets de s’y conformer. Il n’est rien de si dangereux que de violenter les consciences : on n’en a que trop souvent vû de funestes effets. Les François, qu’on appeloit novateurs, refuserent de s’y soumettre : ils prétendirent que la fidélité qu’ils devoient à leur prince, n’exigeoit pas qu’ils manquassent aux points principaux de leur religion. Leur refus servit de prétexte à leurs adversaires pour les persécuter. On en fit mourir un grand nombre : on fit même brûler plusieurs honnêtes gens ; & ce qu’il y a de plus surprenant, c’est que la persécution augmentoit les novateurs, au lieu de les diminuer. Leur parti devint redoutable : il fut accru & relevé par quelques princes du sang, qui s’en rendirent les chefs ; & pendant le regne de deux ou trois rois, nous nous déchirâmes mutuellement.