Page:Boyer d’Argens - Lettres juives, 1754, tome 1.djvu/146

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dont chacun protestoit d’être ami.

Je ne sçais, disoit une jeune femme, dans quel endroit la comtesse prend les vieux contes dont elle vient nous ennuyer. En vérité, il n’est pas permis de radoter de si bonne heure. « Vous avez tort, madame, répondit un petit-maître, avec un air doucereux. Si l’âge donne des droits pour ennuyer le public, la comtesse en est en possession depuis plus d’une année. » Vous êtes un malicieux, reprit une femme, je connois la comtesse. Elle n’est point d’âge à radoter. Elle s’est mariée l’année que je suis née : elle avoit alors vingt-quatre ans, & j’en ai trente-deux. « Comment, madame ! s’écria certain fat, avec un air de surprise, vous paroissez un enfant, & vous avez trente-deux ans ? Ce que vous dites-là est aussi surprenant, qu’il est incroyable que la comtesse n’en ait que cinquante-six, quoiqu’elle n’en avoue que quarante. »

Dans le moment qu’on décidoit du tems de la naissance de cette comtesse, elle entra dans l’assemblée. Chacun changea de discours. Mon Dieu, Madame, lui dit cette femme qui venoit de lui donner si libéralement cinquante-six ans, vous avez aujourd’hui un teint de lys & de roses, un air de fraîcheur. Vous ne paroissez pas