Page:Boyer d’Argens - Lettres juives, 1754, tome 1.djvu/161

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l’effet de la colere des ennemis qu’il s’étoit attiré ; & ce fut avec bien de la peine qu’il échappa à leur vengeance.

Les François ont naturellement l’esprit vif & pénétrant. S’ils étoient les maîtres de donner l’essor à leur génie, il n’est point de peuple qui poussât les réflexions aussi loin qu’eux. C’est vainement que les Anglois se flattent d’une plus grande justesse dans le raisonnement. Ils n’ont que l’avantage de pouvoir laisser agir leur imagination, & de ne pas la réduire sans cesse à des principes toujours ennemis du vrai. Comment est-il possible d’approfondir aucune matiere, si l’on est à chaque instant arrêté ; s’il faut toujours chercher des moyens pour allier la raison aux chimeres, la vérité au mensonge ?

On doit regarder comme une chose surprenante, qu’il y ait dans ce pays autant de gens d’un génie vaste & élevé. On fait tout ce qu’on peut pour accoutumer les esprits à ne pas sortir d’une certaine sphere : on craint qu’ils ne s’élevent trop haut. Dès la tendre jeunesse, l’éducation qu’on donne aux enfans, tend plutôt à leur donner des idées chimériques & confuses, qu’à leur apprendre à raisonner d’une façon juste & précise. Les moines qui sont chargés de leur