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Page:Boyer d’Argens - Lettres juives, 1754, tome 1.djvu/176

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vouloir distinguer ce qui s’y trouve de bon d’avec ce qui s’y trouve de mauvais, on est surpris de la force des préjugés. Si les admirateurs outrés des peres disoient simplement, qu’on trouve des choses excellentes dans leurs ouvrages, ils auroient raison. Mais qu’ils veuillent recevoir comme des principes certains & évidens les erreurs qu’on y découvre ; & que, parce qu’Augustin, Grégoire de Nazianze, Chrysostome, & autres, auront avancé une opinion contraire au droit des gens & à la lumiere naturelle, il faille violenter le genre humain pendant la durée de plusieurs siecles, & donner la torture au bon-sens : en vérité, c’est exiger des hommes, qu’ils regardent comme des dieux, quelques autres hommes qui n’ont eu que l’avantage de vivre avant eux. Un auteur peut dire son sentiment sur les opinions particulieres de Bossuet & de du Pin, de Baronius, de Bellarmin, parce qu’il n’y a pas encore mille ans qu’ils sont morts. Mais lorsque dix siecles auront passé sur leurs écrits, les erreurs qui s’y trouvent seront changées en des vérités certaines. Cela étant ainsi, les livres des docteurs nazaréens ressemblent aux fromages de Brie, qui ne sont bons qu’après un certain tems.