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Page:Boyer d’Argens - Lettres juives, 1754, tome 1.djvu/211

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l’éducation, & d’avoir donné une croyance trop aveugle aux rêveries de leurs imans & de leurs dervis. Ces moines Turcs jouent ici le même personnage que les moines nazaréens. Ils trompent & fourbent le peuple : ils lui remplissent l’esprit de chimeres ; & sous le voile de la religion, autorisent leurs vices & leurs mœurs déréglés.

Je vais te raconter l’histoire d’un dervis, arrivée lorsque j’étois à Andrinople. Tu y trouveras un juste équivalent de celles que tu m’écris quelquefois sur les moines nazaréens. Ce dervis s’étoit retiré dans un hermitage éloigné d’une demi-lieue de la ville. Il restoit des semaines entieres sans en sortir ; sa porte étoit fermée : l’on disoit qu’il avoit alors des extases, pendant lesquelles l’ange Gabriel venoit s’entretenir familiérement avec lui.

Sa réputation augmenta. On accouroit pour le consulter de tous les côtés. Beaucoup de gens alloient faire des retraites chez lui. Les femmes voulurent connoître ce saint personnage. Plusieurs se rendirent à l’hermitage. Elles en revinrent fort édifiées. L’humeur jalouse de quelques Turcs ne s’accommoda pas de ces fréquentes visites ; & les maris défendirent à leurs femmes de retourner chez le dervis. Elles allerent se plaindre au cadis, &