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Page:Boyer d’Argens - Lettres juives, 1754, tome 1.djvu/238

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d’un autre corps est évident ; comment se peut-il faire qu’une chose qui ne peut agir, qui n’a aucun pouvoir sur une autre, puisse lui communiquer quelque vertu ? Pour qu’un talisman, un charme, un enchantement agisse, il faut qu’il puisse déterminer la chose sur laquelle il doit agir, à faire tel mouvement ou tel autre. Comment donc un morceau de terre ou de cuivre grand comme la main, sur lequel on a gravé quelques caracteres bizarres, peut-il faire impression sur un François à trois cents lieues de là, & lui inspirer cette humilité ou cette sujétion, qu’il est nécessaire qu’il ait aux ordres du pontife ?

D’ailleurs, il ne suffit pas pour que l’enchantement ait son effet, que la matiere agisse sur la matiere : il faut encore que le charme ait le pouvoir de diriger l’intention, & de disposer l’esprit à l’obéissance ; ce qu’il est absurde de dire. Car ces prétendus philtres amoureux que donnent certains charlatans, qui veulent qu’on les croie magiciens, ne peuvent jamais déterminer précisément la volonté de l’ame. Ces misérables composent des breuvages, qui, en échauffant le sang, disposent les esprits à l’amour, & excitent des mouvemens de concupiscence. Il y a plusieurs