Page:Boyer d’Argens - Lettres juives, 1754, tome 1.djvu/288

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nous instruire. C’est un ramas d’idées extravagantes, dont les moines avoient rempli leurs livres, qui fut la premiere cause de la séparation d’une partie de leurs freres. Pendant un tems le peuple fut la dupe de mille histoires ridicules : il n’étoit pas de freres-lai qui ne donnât au public quelques livres de sa façon, remplis d’idées grotesques. Plus elles avoient quelque chose de contraire au sens commun, & plus les ames foibles les trouvoient mystérieuses.

Les gens de bon sens se contenterent pendant un tems de se moquer en eux-mêmes de ces ridicules écrits. Dans la suite, l’imposture & la mauvaise foi étant poussées trop loin, plusieurs crurent que l’honneur & la piété vouloient qu’ils s’opposassent à ce torrent. Bien des savans employerent leurs plumes à désabuser ceux qu’on avoit séduits. Ils réussirent en partie : mais les moines voyant que la fin de leurs mensonges seroit celle de leur crédit, firent un effort pour qu’ils ne fussent pas découverts. Leur parti étant considérable auprès du souverain pontife, ils firent exclure de leur communion ceux qui leur étoient contraires. Malgré cette victoire, leur imposture fut bientôt connue. Le public avoit ouvert les yeux ; & parmi ceux qui resterent dans leur croyance, plusieurs acheverent de désabuser le peuple.