Page:Boyer d’Argens - Lettres juives, 1754, tome 1.djvu/321

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que j’ai vues dans l’ancienne capitale du monde. Je suis plus frappé de la différence des mœurs des Génois & des Romains, que de tous les objets qui s’offrent à ma vue. Je trouve extraordinaire que l’humeur & l’inclination des deux peuples qui habitent le même royaume ou le même climat, soient aussi éloignées & aussi dissemblables.

Les Romains sont naturellement fainéans, ennemis du travail, partisans outrés d’une molle oisiveté. Les Génois sont industrieux, attachés à leur commerce, prêts à tout entreprendre & tout souffrir s’ils entrevoient que leurs peines puissent leur apporter le moindre profit. La campagne de Rome est un terrein excellent, facile à cultiver : il n’y croît que des ronces & des herbes sauvages qui servent de retraite aux serpens, aux viperes, & à mille autres sortes de bêtes vénimeuses. Les montagnes qui sont autour de Gènes sont couvertes d’oliviers, d’orangers, de citroniers, qu’on force la nature à produire malgré elle. L’industrie des Génois a fait d’une chaîne de rochers affreux le plus beau jardin de l’Europe.