Page:Boyer d’Argens - Lettres juives, 1754, tome 1.djvu/334

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

il n’avoit plus besoin de rien. Chacun couroit porter son bien aux ecclésiastiques : les prêtres étoient les héritiers universels de toute l’Europe ; dans moins de trente à quarante ans, ils eurent en France, en Italie, en Espagne, en Portugal, &c. la moitié des revenus de ces Royaumes. On ouvrit enfin les yeux ; & dans les siecles qui vinrent après celui où l’imbécillité avoit choisi son regne, le bandeau qui cachoit la vérité tomba peu-à-peu.

Il y a environ deux cents ans que deux hommes illustres [1] vengerent le bon sens opprimé.

Appuyés de la raison, ils lutterent contre l’ignorance de leur siecle, furent les restaurateurs des sciences, & préparerent cette foule de grands hommes qui les suivirent. On les regarda comme des perturbateurs du repos public, par les guerres & les désordres que causerent leurs sentiments. Mais outre que ce titre odieux ne convient légitimement qu’à leurs persécuteurs, doit-on regretter des troubles qui conduisent à un calme stable, qui rendent l’homme à lui-même ; & qui l’arrachent à l’ignorance, dans laquelle il croupissoit ?

Les nazaréens, qui sont ennemis des sentiments de ces deux docteurs, leur

  1. Luther & Calvin.